Prendre appui sur la famille – Témoignage de Marie-Philip Mathieu
Marie-Philip Mathieu est une performante. Et une passionnée. Doctorante en éducation des langues secondes, chargée de cours en éducation et en traduction à l’Université d’Ottawa et à l’Université McGill, enseignante en français et en espagnol pour une université mexicaine, traductrice à la pige, elle s’entraîne avec intensité, voyage chaque fois qu’elle le peut et multiplie les engagements. À l’aube de la trentaine, pas question de ralentir. Si le cancer ne l’a pas empêchée de poursuivre ses projets, il l’aura amenée à revoir différentes facettes de sa vie.
Choisir le Centre des maladies du sein
Été 2020. Au lendemain d’un entraînement particulièrement exigeant, Marie-Philip ressent une douleur à un sein. Une douleur qui lui semble anormale. Elle constate que l’un de ses seins est plus dur que l’autre. « J’avais un mauvais feeling. J’ai consulté et on m’a envoyée passer une échographie et une biopsie », se souvient-elle. Les résultats de la mammographie étaient éloquents et ne laissaient planer aucun doute : la masse avait l’apparence d’un cancer, le radiologiste en était certain à 95 %. Il a fallu que Marie-Philip attende quelques semaines avant d’obtenir les résultats de sa biopsie pour le confirmer.
Les semaines les plus angoissantes de sa vie. « On m’envoyait voir un chirurgien à Gatineau, près de chez moi. Ma sœur m’a accompagnée, raconte-t-elle. Heureusement, parce que j’étais terrorisée. » Ann-Julie, elle, était plutôt confiante. La perspective de voir sa grande sœur atteinte d’un cancer ne faisait partie d’aucun des scénarios qu’elle avait envisagés jusqu’alors.
Et pourtant. L’annonce a eu l’effet d’une douche froide. Glacée, même. « On m’a dit que j’aurais une grosse année et que je devrais probablement mettre mes projets sur pause. Je ne voulais pas! J’aime mon travail, j’avais la tête pleine de projets. Je ne pouvais tout simplement pas le concevoir. » Pour connaître ses options et obtenir un autre avis, la jeune femme a consulté dans une clinique privée à Montréal. Les perspectives étaient plus encourageantes. « On m’a confirmé que je pourrais avoir une vie à peu près normale, même avec les traitements. On m’a demandé où je préférais être traitée. »
Marie-Philip a choisi le Centre des maladies du sein, à la suggestion de l’une de ses amies qui y avait été traitée. Et pour se rapprocher du lieu de ses traitements, la jeune femme emménagerait chez ses parents, à Beauceville. Pandémie oblige, elle pourrait continuer à enseigner à distance.
Surmonter ses peurs
Au-delà de la réorganisation de sa vie pour mener de front ses engagements et ses traitements, Marie-Philip était confrontée à ses peurs. La peur des aiguilles. La peur d’être affaiblie. La peur que son état de santé soit connu et devienne un obstacle sur le plan professionnel. La peur de souffrir. La peur de mourir.
Autant de craintes justifiées qu’elle devait combattre. « Il a rapidement fallu que je décide si je passais par l’étape de préservation de la fertilité au cas où les traitements endommageraient mes ovaires, raconte-t-elle. Si je choisissais cette option, il fallait que j’accepte, pendant trois semaines, de faire une injection dans mon ventre chaque jour, une prise de sang tous les deux jours et une ponction d’ovaires. Je déteste les aiguilles… Mais j’ai décidé que je ne laisserais la peur guider aucune de mes décisions. Et j’ai décidé de passer à travers ce processus. »
Ne laisser la peur guider aucune de ses décisions. Voilà le principe qui a orienté chacun des pas que Marie-Philip a faits pendant son parcours. Un parcours qui aura duré un an. Et chacune des étapes de ce parcours lui aura demandé une bonne dose de courage.
L’accompagnement a fait toute une différence. Parce que chaque fois que la peur la paralysait, un membre de sa famille lui donnait la petite poussée nécessaire pour qu’elle avance. « Je n’aurais jamais passé à travers sans les membres de ma famille, admet-elle. Je ne serais jamais allée dans le bureau du médecin qui m’a annoncé la nouvelle si ma sœur ne m’y avait pas obligée. Je ne serais pas entrée à l’hôpital pour faire des tests afin de repérer d’éventuelles métastases ou pour subir mon premier traitement de chimiothérapie si ma mère ne m’avait pas poussée à y aller. C’est mon père qui me faisait mes injections pour la fertilité. »